jeudi 7 avril 2016

EGO sum...

Quand Ego est en vadrouille, il s’égosille et tempère, le petit pauvre. Il plastronne mais remonte son pouce jusqu’à ses joues comme un enfant. Il s’interroge et traîne derrière lui un doudou en forme de chiffe. Il vitupère, mais se rêve pieds dormant au fond d’une salle silencieuse, entouré de vapeurs, dans son complet blanc. Ego s’altère, comme une prune noire, il tombe, sec dans les allées, grand paon de nuit qui tape les lampes, encore, encore, encore. Ego ne s’enflamme pas.
Bats les lampes, bats des pieds, bats la campagne, sors de tes gonds, sors du rang, sors du bois, Ego! Et jamais ne lasse!
Ego fait la révolution, se glisse dans les batailles, se range au milieu des piques, admire les contre-champs, laisse les sabots guerriers envahir les frondaisons, mais se cache quand il pleut, pleurniche quand des gouttes lui coulent le long du cou.

Pauvre petit Ego! Dissimule-toi comme un repentir, petit nez rouge gonflé en trompette. Attends que l’autre te visite ; je devine ton étonnement. Comme celui des chats qui découvrent leur image pour la première fois.

lundi 21 mars 2016

PARADE

Ce jacquot sans jaquette jaspine je ne sais quoi au coin du jas avec Jeanneton. Il jacte des phrases jalonnées de jurons judicieux. Bizarre! On se croirait dans un jardin tant il jaillit de mots jolis  en cascades jaspées, tant il rit! Quelle java! Il se rengorge, jars jaloux  glougloutant son jaja. Jamais il ne s’était tant dressé sur ses jarrets, jamais il n’avait tant gonflé son jabot! On dirait qu’il avale à l’avance à goulées la fragrance jasmin des jarretelles de cette jujube fraîche.

dimanche 20 mars 2016

LE REMORDS DU PESTO

Foin de munificence ! La façon qu’il avait de tourner son regard alentour dans la salle pour le poser sur tel ou tel, comme on picore, sûr que tout s’arrangerait! Cette manière d’attendre son tour pour dispenser à coup sûr une attention, une affection! Désormais, il entrait dans son allure du calcul, une pose, une douleur interdite, voilée.

Avant, pas de secret, pas de recul. L’appel de la vie, le déploiement de ce qu’elle était, impasses comprises. Ses élans calculés lui auraient fait se ronger les poings, manger la poussière, venir les larmes aux yeux, tant ils lui étaient feints.

Avant, tout venait à point des choses qui devaient advenir.  Tout s’ordonnançait dans un hasard considéré depuis comme dispendieux. D’aucuns auraient même évoqué la bonne étoile : lui n’avait jamais vu dessus sa tête qu’un ciel opaque, noir. Mais, au ras du sol, un monde. Peuplé, habité, un monde. Où il n’avait eu aucune peine à revendiquer sa place, un dû : une abeille, une femme, un vent coulis, une gelée de groseille, une paire de baffes.


Aujourd'hui le monde lui retirait sa munificence, comme un dieu retors dérobant l’accès aux choses. Certes, il ne s’était jamais soupçonné de nourrir une confusion coupable entre cette munificence et celle qu'il avait en propre : il savait la sienne petite, épisodique, superfétatoire. Mais l’une traversait l’autre, pensait-il. Alors? Alors, rien, ciao, niente, songeait-il en repoussant son assiette de pâtes, vide, brossée de rayures.

samedi 19 mars 2016

SAINT-VALLIER

Narguant la mort derrière deux jambes gris bleu, comme la mer sous un écueil nargue le temps du repos, la Poésie s’endort derrière deux tubulures qui cisaillent le monde.
Tant que le soleil inonde l’espace confiné, qu’au loin on peut imaginer le sifflement aigu des rapaces, que l’air appelle, son corps fusionne avec sa présence, son cœur ne tressaute pas.
La Poésie s’exalte : « La joie circule, la déférence, la force, les entités abstraites dont nous sommes les véhicules, tout va bien, nous sommes sacrés!
Sacred Life! Sacred Life! Sacrums enrobés ! Sacred life! Jet des têtes dans l’existence ! Sacred Life! Blondeurs bienveillantes ! »
Hélas! Comme les peignit le plâtrier des bains-douches pontificaux, les émanations divines recourbent avec trop de nonchalance un index qui se voulait propice. Elles épatent la galerie mais leurs chairs grisâtres apparaissent brutalement pour ce qu’elles sont : la panse de bien rondes canailles, carnations rances qui prennent un velouté grasseyant mais luisent comme les délices d’une imposture complète, l’éclat d’une franche rigolade.
L’azur s’ébroue, des écailles tombent du ciel, la peau morte réapparaît. les arches, les arcades se font le repaire de toutes les disparitions accumulées, les ponts enjambent  une eau croupie, gonflée de souillures, boursouflée de remugles. La pâleur résonne, les résidus muets descendent, la lèpre rôde.

« Fais chier », se dit la poésie, mâchonnant sa clope mégotante. « Fait chier ».

mercredi 2 avril 2014

"Orage"

« C’est la vie ! » - Alors, je porte plainte. Dieu me vengera. Et je me vengerai de Dieu.

mercredi 27 novembre 2013

"Traverses"

Crue des jours advenue ! Les souvenirs la rythment, évanouis sur la fleur de la pierre…
À l’orée des tambours que frappent les enfants sages, les morts ont visité la banlieue.
Portant le repos froid sur le brocart de leurs bannières, ils ont amené le bismuth, la phacélie, l’eau-de-rose, l’acarien, l’oraison et les complies. Ils ont fait légion dans le battellement tressauté des cancans. Ils se sont regardé dans le miroir, le profil derrière leurs éventails, ils ont chuinté dans la même direction que le vent.
Tous habillés de blanc, glissés entre les marguerites, pochés sur l’azur, ils ont donné de leur parole. Que disaient-ils ? D’anciennes histoires, toutes embuées de larmes : femmes à genoux, hommes raidis dans le dégueulement des boyaux, enfants morts disparus dans le froid. Ourdies à la conque du temps, leurs histoires ! Frappées comme le cuivre, turqueries embossées, plateaux martelés! Des tintamarres! Sonores, sonores ! Que nous n’entendons plus.
Fantômes en  robes de Belle Époque, paysans crotteux, bambins noirs. Rescapés de leurs aujourd’hui. Évaporés.
Au verso, on voyait encore la trace plate d’une épaisseur, inconnue mais broyée, les lignes en amande d’une estampille, cachet caché au dos de cette carte postée vers nous dans l’éclair de magnésie, la plénitude morne d’une devanture de café.
Sur la rive de ce temps, j’ai marché. Dans le filet de l’eau contraire. Contemplé le fleuve de biais. Il charriait l’incompréhensible. S’y trouvait des échos que nous seuls connaissons : lueurs, métaux, fétus, pailles, mannequins, planches, curieux fragments. J’ai cru à mon tour y reconnaître l’estampille qui nous distinguait.

mercredi 2 octobre 2013

"Superstitions"

Et tu crois aller où?
À l’aube qui se dérobe sous les papiers cendrés ?
À l’aube des pare-brise révoltés,
Quand cendre la neige qui n’a pas eu lieu,
Quand les flots menacent l’amer?

Balloté aux bords des bandes d’arrêt d’urgence,
Moi qui flotte au bouillon des yeux glauques
Moi poché comme l’œuf de la plus amère recette.

La page claque comme lourd vantail,
Sinistre effet des plus longues attentes.
Compte les doigts coupés dans l’herbe
Qui dansent benoîtement pour la dernière fois!

Mais  le souffle s’aspirera en secret pour que cesse la rumeur,
Le frais succédera à l’oxyde, le dilué au tragique,
L’effervescent, le limpide au charbon des jours sans pluie.

Le chat sans crainte passera sous l’échelle de mon rêve,
La queue en amande,
Et le rêve grimpera, incurvé sur cette virgule,
Inscrit à la pointe de la craie
Comme le point blanc de la fin.